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— Ils ont dû arriver hier soir, expliquait Fulvius. Trois cavaliers : une fille vêtue en homme, un Breton avec une harpe et une grande brute barbue. Ça ne te dit rien ?

Aneurin demanda silencieusement qu’ils s’écartent pour extraire Kaledvour de son fourreau. Ils remontèrent quelques marches. Le cœur battant à tout rompre, Azilis dut s’appuyer au mur pelé et moisi.

— Pour sûr que je les ai vus ! Ils ont logé ici même. Mais j’avais pas remarqué que l’un d’eux était une fille, ça non. Je trouvais juste bizarre qu’ils veuillent manger dans leur chambre. Qu’est-ce qu’ils ont fait ?

Azilis tourna vers Kian un regard affolé. Il avait reculé, déposé doucement son sac et tiré son épée. Fulvius répondit avec suffisance :

— La demoiselle est la fille de feu mon maître, Appius Sennius. Les deux autres l’ont enlevée et ont assassiné son fiancé. Voilà ce qu’ils ont fait, ces misérables !

— La fille du riche Appius Sennius ? s’exclama l’aubergiste. L’ancien sénateur ? Oui, oui, on m’a dit qu’il était mort. Quelle histoire ! J’aurais jamais cru une chose pareille ! C’est que le garçon, je veux dire la jeune fille n’avait pas l’air malheureuse de les suivre. Tenez, ils ont mangé à cette table ce midi et ils paraissaient amis.

« Bien sûr ! se dit Azilis. Marcus ne veut surtout pas qu’on sache que je me suis enfuie de mon plein gré ! Quelle tache sur l’honneur de la famille ! »

— Ce ne sont pas tes affaires ! siffla Fulvius. Il suffit que tu saches que le nouveau maître, Marcus, frère de la jeune fille, est prêt à payer une forte récompense à quiconque nous aidera à les retrouver. Les cinq miliciens qui m’accompagnent ne représentent qu’un quart de ceux dépêchés à leur poursuite. Alors, sont-ils encore dans ton auberge ?

La porte de la cour était si proche ! À quelques coudées près, ils auraient pu la franchir sans être aperçus de la salle. La liberté était à leur portée, et inaccessible. Kian tira Azilis en arrière. Il se glissa devant elle et lui intima l’ordre de monter d’un coup de menton. Il s’adossa au mur gauche, épée au clair, et Aneurin s’adossa contre le mur droit, tenant Kaledvour à deux mains. Ils s’encouragèrent mutuellement d’un signe de tête.

À cet instant, une main attrapa Azilis par le bras. Elle faillit hurler de terreur.

— Vite ! Suivez-moi !

C’était Memmia. Elle entraîna Azilis vers l’étage. Kian et Aneurin suivirent, à reculons, le regard fixé vers le bas de l’escalier. Ils atteignirent le premier étage, s’engouffrèrent après Memmia dans une chambre qu’elle verrouilla derrière eux. Azilis dut s’appuyer au mur pour ne pas s’effondrer. Son cœur allait exploser et sa vue se brouillait.

Des pas pesants firent trembler le palier. La voix de l’aubergiste retentit :

— Ils dormaient au dernier étage mais on peut fouiller toutes les pièces, si vous voulez.

La poignée tourna et la porte fut secouée avec violence. Kian et Aneurin levèrent leurs épées.

— Eh ! Doucement ! s’exclama l’aubergiste. Là, c’est ma chambre et elle est toujours fermée à clé. Ils ne risquent pas de s’y trouver. Dites donc, j’espère que vous n’allez pas abîmer mon mobilier parce que…

— La ferme ! fit une voix à l’accent guttural qui n’appartenait pas à Fulvius. Montre-nous où ils logeaient et épargne-nous tes discours !

Les bruits de pas s’éloignèrent. Un instant plus tard, Memmia tourna la clé dans la serrure et jeta un coup d’œil sur le palier.

— Prenez vos chevaux pendant qu’ils vous cherchent là-haut, chuchota-t-elle. Filez rue des Cordonniers. Demandez la maison de Camulus, tout le monde le connaît. C’est mon frère. Dites-lui que vous venez de ma part et que vous avez besoin de vous mettre à l’abri un moment. Il vous cachera. Je vous rejoindrai dès que je le pourrai.

Ils dévalèrent l’escalier à une vitesse vertigineuse. Azilis courait en tête, suivie de Kian. Au moment où elle franchissait la porte de la cour, un cri retentit derrière elle. Elle se retourna. Un milicien gisait au pied de l’escalier.

— Je ne l’avais pas vu, balbutia Kian. Sans toi, Aneurin, il me tuait.

— Je me doutais qu’ils avaient laissé un homme pour monter la garde, expliqua le barde en essuyant la lame de Kaledvour. Dépêchons-nous, ils ne vont pas tarder à descendre.

Au moment où Azilis se mettait en selle, elle vit Aneurin qui saisissait Memmia par la taille et l’embrassait sur les lèvres.

— Merci, Memmia ! dit-il. Merci pour tout.

— Je vous retrouverai chez mon frère. Ne traînez pas ! On vous recherche dans tout Condate !

L'épée de la liberté
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